De l’Afrique à l’Amérique latine… Gérard Vandenberghe a profité de ses 33 ans à l’AFP pour parcourir le monde. En 1988, il devient directeur d’agence au Nigeria. Vingt ans après, il prend ce poste à Mexico. Questions-réponses à la sauce mexicaine.
Vous étiez plusieurs à briguer ce poste à Mexico. Pourquoi vous?
Nous étions effectivement une dizaine. Pourquoi moi? Il faudrait le demander à ma direction! Peut-être la prise en compte d’une longue, longue trajectoire AFP, depuis 33 ans. Et puis une certaine expérience… africaine (5 ans 1/2 au Nigeria de 1988 à 93, 4 ans à Nairobi, au Kenya, de 2001 à 2005, 2 ans chef du Desk Afrique). J’avais exprimé depuis longtemps à ma hiérarchie mon envie d’un poste hispanisant, vieux souvenirs de jeunesse. Il faut d’ailleurs absolument maîtriser la langue espagnole car le bureau de Mexico est exclusivement hispanophone, mise à part une journaliste anglophone.
Comment se compose ce bureau justement et comment se passe votre travail?
J’ai un adjoint, chef de la rédaction, de nationalité argentine. La rédaction est composée de trois Mexicaines et d’un Espagnol. L’un des trois photographes est Colombien, les deux autres, Mexicains. Etre directeur d’agence, ce n’est pas seulement être un rédacteur en chef mais également un gestionnaire, responsable administratif et commercial, et DRH. Il faut gérer une équipe, mais aussi essayer de gagner des clients, de les conserver, en même temps que d’être meilleur et plus rapide que nos concurrents… J’écris aussi, bien sûr. Je traduis beaucoup, car je suis seul éditeur francophone pour le Mexique et toute l’Amérique centrale. Mais je produis aussi des reportages, des magazines, une couverture toute récente d’un sommet ibéro-américain au Salvador, par exemple.
Allez-vous suivre des dossiers en particulier?
Une priorité s’impose quotidiennement, celle du « crime organisé », comme on désigne ici les cartels de la drogue. Ils se battent férocement pour le contrôle du trafic de cocaïne vers les Etats-Unis (près de 4.000 morts dans cette guerre). Mais il y a aussi l’info économique, avec le pétrole, les rapports commerciaux étroits avec les USA, la politique régionale, sous-continentale, qui devient de plus en plus « mondiale ». Et il y a tous les sujets magazine qu’on recherche, à la fois pour « enjoliver » le service et se faire plaisir en même temps qu’au lecteur…
Qu’est-ce qui vous a surpris depuis votre arrivée ?
Peut-être en raison d’une longue, très longue période d’encadrement des médias par les autorités, nombre de journalistes ont du mal à sortir d’un certain institutionnalisme. Et les autorités produisent beaucoup, mais alors beaucoup de communiqués. C’est notamment le cas de la « Procuradoria », autrement dit le Parquet de chez nous, mais qui aurait sa propre police. Alors, on a parfois tendance à attendre le communiqué, ce qui n’est pas dans la culture AFP… Les médias mexicains sont d’ailleurs très, très développés. Beaucoup de quotidiens nationaux, régionaux, des radios et des télés à l’américaine avec de très gros moyens, notamment des hélicos qui survolent Mexico jour et nuit. Ils sont très bien renseignés, mais ont une tendance à « gonfler » l’information et à oublier de se baser sur des sources au sens où nous, agenciers, entendons ce terme.
Avez-vous ressenti des obligations de « représentation » liées à votre fonction, notamment avec l’Ambassade ?
Les obligations de ce type n’en sont pas, si ce n’est celles que nous suggère une courtoisie élémentaire, et l’intérêt qu’il y a, pour un journaliste en poste à l’étranger, à avoir des contacts, surtout en off, dans les milieux diplomatiques… et pas seulement avec les ambassadeurs bien entendu. J’ai appelé l’ambassadeur de France pour me présenter et demander à le rencontrer, comme je l’avais fait au Nigeria et au Kenya. Il m’a reçu très sympathiquement et avec beaucoup de simplicité. Pour le reste, il faut s’intégrer au mieux et le plus rapidement possible auprès des milieux mexicains des secteurs politique, policier et judiciaire (surtout dans ce pays, où ils ont beaucoup de travail!), économique, culturo-artistique, sportif, et j’en passe, sans oublier bien sûr les confrères, concurrents internationaux, clients locaux.
L’une de mes premières missions dans ce dernier domaine a été pour l’Assemblée générale des éditeurs de presse écrite mexicains, à Veracruz, pour y présenter et représenter l’AFP en tant que producteur d’information. Un travail bien différent de celui qui m’occupait avant d’arriver à Mexico, la direction d’un desk, où l’on traite essentiellement de la copie déjà rédigée par les journalistes de terrain. Ici, il faut produire, trouver l’info et l’informateur, transmettre l’info vérifiée, fiable, sûre, de la manière la plus efficace et sous une présentation qui donne envie de lire celle-là plutôt que celle des concurrents… qui ont les mêmes préoccupations.
Question bonus : votre plat mexicain préféré ?
Les tacos de toutes sortes peuvent être excellents, même si j’ai tendance à me fatiguer assez vite des galettes de maïs. Mais je ne me lasse jamais des frijoles, les haricots brun-rouge, en ragoût style cassoulet ou en purée. Et hier soir, il y avait de la Duvel au restaurant!
Julie Albet
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