Après quelques mois de gros sommeil, « Allô Paris ici… » revient avec un couple de journalistes complètement à l’Est… Mathilde Goanec est diplômée de l’IUT de journalisme de Lannion qu’elle a complété par une licence professionnelle et un DU à l’étranger. Au Québec. C’est là qu’elle a rencontre Camille Magnard qui finissait ses études à l’IEP de Lyon avant d’entrer à l’IFP à Paris. Une fois leurs études terminées, ils mettent le cap vers l’est et s’installent un an d’abord au Kirghizistan. Mathilde pige pour la presse, Camille, pour la radio.
Quand vous avez décidé de travailler à l’étranger, pourquoi vous êtes vous dirigés vers l’est ?
Avant notre départ vers l’Asie centrale, nous avons travaillé un an et demi sur ce projet. Pour monter un dossier de financement, mieux connaître la région et tâter le terrain niveau piges. Dans ce sens, nos quelques stages nous ont été très utiles : pour avoir travaillé à Ouest-France et Camille à RFI, nous avions déjà des pistes de ventes. Même si personne ne nous promettait quoique ce soit avant le départ bien sûr.
Nous sommes donc partis avec un financement d’un an, basé sur des subventions publiques et privées et des économies. Là-bas, nous devions réaliser un projet documentaire et en même temps, tenter de nous lancer dans la pige. Un vrai pari.
Nous n’avions pas de prédilection particulière pour l’Est en nous lançant dans ce projet. Mais quand nous avons commencé à réfléchir à la possibilité de travailler à l’étranger, nous avons simplement regardé sur une carte du monde où nous pouvions nous installer : personne ne travaillait à l’époque en Asie centrale, soit cinq pays sans aucune couverture journalistique ! La région nous attirait beaucoup mais nous ne la connaissions pas. Nous avons misé sur le Kirghizistan car c’est le pays le plus facile d’accès, à la fois pour vivre et travailler comme journaliste. Mais même si cette année a été extraordinaire, d’un point de vue personnel et professionnel, il a été malgré tout difficile de gagner notre vie comme pigiste, l’intérêt sur la zone étant très réduit. Nous sommes rentrés au bout d’un an, comme prévu. Très vite, nous avons appris par nos réseaux constitués en Asie centrale et à Paris, dans les rédactions, que le journaliste pigiste « en poste » à Kiev partait pour Moscou. Nous n’avons pas hésité trop longtemps et trois mois plus tard, nous nous sommes installés à Kiev. Notre collègue en partance nous a beaucoup aidé en nous permettant « d’hériter » de ses contacts avec les médias pour lesquels nous ne travaillions pas encore. Surtout, l’Ukraine génère beaucoup plus d’intérêt que le Kirghizistan et donc, tout a été beaucoup plus facile… Au Kirghizistan, tout était à faire, en Ukraine, la place était « chaude », disons… Pour conclure, « l’aventure kirghize », même si elle n’était pas « rentable » au premier abord, nous a, je crois, donné un vrai crédit au sein des rédactions et nous a permis d’acquérir de l’expérience.
Avez-vous envisager de vous installer pour de bon en Ukraine ou désirez-vous rentrer un jour travailler en France ?
Difficile de répondre à cette question. Nous avons pour l’instant prévu de vivre deux ou trois ans en Ukraine, pour réellement s’installer dans le pays car un an c’est beaucoup trop court. Mais la vie de pigiste étant ce qu’elle est, nous rêvons parfois à la France, à un salaire fixe et à des conditions de travail plus correctes. En même temps, le travail est passionnant et nous avons la fameuse « liberté » du pigiste. Quant à partir ailleurs, oui, peut-être, si les conditions ne s’arrangent pas en France, mais où ? Mystère… J’ai peur qu’après 4 ans passés en ex-URSS, nous ayons envie de voir ailleurs, de découvrir une autre partie du monde. Cela veut dire aussi tout recommencer et perdre une « expertise » constituée au fil des reportages. Le dilemme est cornélien.
En ce qui concerne l’Asie centrale et l’Ukraine : quelles ont été les principales difficultés que vous avez rencontrées sur place ?
L’un des plus gros handicap, surtout en Asie centrale, était évidemment de ne pas parler la langue correctement. Nous passions et nous passons encore à côté de plusieurs choses. La bureaucratie, surtout en Ukraine, a aussi un aspect très décourageant : il faut demander des accréditations pour tout, envoyer ses questions à l’avance pour toute interview ou reportage dans un cadre officiel (ministères, gouvernement, zones frontières, ports, hôpitaux etc…). C’est un peu usant. Sinon, au Kirghizistan comme en Ukraine, nous avons, je pense, une grande liberté de travail, sûrement plus grande que celle de nos confrères locaux (c’est particulièrement vrai pour l’Asie centrale).
Parlez-vous ukrainien ou russe aujourd’hui ?
Ni l’un ni l’autre ne parlait russe avant de partir en Asie centrale. Là-bas, nous avons commencé à apprendre la langue, sans avoir non plus énormément de temps pour prendre des cours. Nous avons appris le russe et pas le kirghiz car nous avons fait le choix de voyager dans la région et le russe est la langue commune, parlée couramment un peu partout, même si dans les campagnes, la population a tendance à privilégier le kirghiz, l’ouzbek, le kazakh…etc. En Ukraine, nous continuons à parler russe et à l’apprendre. Le fait de ne pas parler ukrainien nous handicape évidemment, car même si la population est très majoritairement bilingue, de plus en plus de choses se passent dans la langue nationale (conférences de presse, médias, discours officiels etc…). Mais nous nous en sortons et travaillons de temps en temps avec une interprète.
Quelles sont vos sources de revenu ?
En Asie centrale, nous vivions de nos économies, de nos subventions et de nos piges, de même que quelques heures de français dans une école (50 dollars par mois !). En Ukraine, notre seul revenu c’est la pige. Avec une proportion que je qualifierais de 40 / 60 au profit de la radio.
Arrivez-vous à vous en sortir avec ce que vous rapportent vos piges ?
Oui, en tenant compte que nous sommes deux sur un « poste » de pigiste. Je ne fais que de la presse écrite et Camille ne travaille que pour la radio, hormis quelques gros projets communs où nous co-signons. Mais être deux nous donne l’avantage de pouvoir aussi travailler sur des projets plus longs, de se détacher un peu de l’actualité, et de rechercher de nouveaux médias, de nouveaux projets où s’investir. Ajoutons à cela que nous avons aussi fait le choix de conserver une qualité de vie, en ne restant pas « collés » en permanence au bureau, en voyageant beaucoup et en faisant beaucoup de reportages. Ce n’est pas le plus payant, loin de là. Mais quel plaisir !
Devez-vous relancer en permanence les rédactions pour vendre vos papiers (ou vos sujets radio) ou vous passent-elles commande ?
La plupart du temps c’est nous qui envoyons des propositions. C’est moins vrai en radio en période de grosse actualité où les rédactions appellent pour des papiers ou des directs. Pour les reportages c’est toujours sur proposition.
Réalisez-vous tous vos sujets à deux ou est-ce que vous vous répartissez le travail ?
Le plus souvent, nous réalisons nos sujets à deux : recherche, prise de contacts, interviews etc… Puis Camille monte sa matière en radio et j’écris mon papier pour les journaux. Pour les médias, nous sommes deux personnes distinctes. En réalité, nous travaillons ensemble et en couple !
Attention ce n’est pas du sexisme : mais est-il facile de voyager seule quand on est une femme en Asie centrale ?
Disons que je pense que cela aurait sûrement été plus difficile pour moi de me lancer au Kirghizistan par peur et par méconnaissance sans doute. C’est vrai aussi pour Camille. Pour se lancer dans l’aventure, surtout en Asie centrale, le fait d’être à deux a été un vrai plus. Au jour le jour, il est parfois difficile de travailler toujours ensemble, car la démarcation vie professionnelle / vie privée est difficile à tracer. Mais dans l’ensemble c’est très stimulant.
Propos recueillis par Amélie Tulet
Retrouvez Mathilde Goanec et Camille Magnard sur leur blog.
Lien vers leur blog : http://journalistesabishkek.typepad.fr/
Mathilde Goanec est diplômée de l’IUT de journalisme de Lannion qu’elle a compltété par une licence professionnelle et un DU à l’étranger. Au Québec. C’est là qu’elle a rencontre Camille Magnard qui finissait ses études à l’IEP de Lyon avant d’entrer à l’IFP à Paris.
Une fois leurs études terminées, ils mettent le cap vers l’est et s’installent un an d’abord au Kirghizistan. Mathilde pige pour la presse, Camille, pour la radio.
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